L’association AAA, moteur de pratiques urbaines responsables
La ville de Colombes, située dans la proche banlieue nord-ouest de Paris, accueille depuis 2011 un projet, connu sous le nom de Projet R-Urban. Il a été initié par l’association Atelier d’Architecture Autogérée (AAA). Ce projet a pour but de favoriser la transmission de pratiques écologiques, de promouvoir la résilience urbaine et d’encourager la participation citoyenne.
Fondée en 2001 par Doina Petrescu et Constantin Petcou, l’association AAA cherche à encourager la réappropriation spatiale de proximité en passant par le renforcement du lien social. L’association est également caractérisée par son approche environnementale. Dans ce cadre, plusieurs projets en France et à l’étranger ont déjà été mis en œuvre.
Le Projet R-Urban à Colombes a été conçu dans le cadre d’un processus de concertation avec la Mairie de Colombes, les habitants et les associations locales. Dans une approche collaboratrice, R-Urban a été financé par le biais de partenariats financiers avec plusieurs organismes et collectivités (dont le Conseil Départemental, Conseil Régional, Fondation Batigère, Fondation de France, programme LIFE+ de l’Union Européenne etc.).
Le renouveau de pratiques traditionnelles au cœur des villes modernes
Le projet se compose de trois sites distincts qui agissent en complémentarité les uns des autres.

Le premier site a été inauguré en 2012 sous le nom d’Agrocité. C’est un espace dédié à l’agriculture urbaine. Il comprend un jardin divisé en trois parties : une partie maraîchage, des jardins partagés (comprenant 40 parcelles à usage familial) et une partie dédiée aux animations culturelles et pédagogiques. Le site d’Agrocité comprend aussi un bâtiment pour la vie commune. Il a été construit avec des matériaux recyclés ou en fin de série et comprend un système de récupération des eaux de pluie et des eaux « grises » (i.e. eau utilisée pour la vaisselle).
Le second site du Projet R-Urban, Recyclab, est un espace réservé pour l’organisation d’activités sur les thématiques du recyclage, de l’économie sociale et solidaire et de l’éco-design. Le troisième site, Ecohab, n’a pas encore été construit mais devrait servir de lieu d’habitat coopératif et écologique.
Le Projet R-Urban tend à favoriser les circuits-courts via l’agriculture urbaine. Au-delà de cet aspect, il y a également une vocation de créer un cadre favorable à la transmission de savoirs et compétences notamment dans les domaines culturels, écologiques et sociales.
Par ailleurs, le projet interroge plus particulièrement sur le rôle des jardins partagés dans la fabrique du lien social à l’échelle d’une communauté. Le philosophe français Michel Foucault reconnaissait une valeur spécifique aux jardins en tant que lieux de bien-être. Il a d’ailleurs déclaré en 1967 que « le jardin, c’est depuis le fond de l’Antiquité, une sorte d’hétérotopie heureuse et universalisante ».

La temporalité évolutive du Projet R-Urban
Le Projet R-Urban s’inscrit dans un horizon temporel particulier. Les installations ne sont pas figées. L’idée est de permettre des évolutions futures, potentiellement initiées et gérées par les usagers eux-mêmes. De même, les aménagements ont été prévus afin de pouvoir être démontés et être réinstallés à un autre emplacement.
Dans la même idée, l’association AAA avait d’ailleurs créé le projet EcoBOX, un jardin mobile qui a déjà été déménagé trois fois dans la métropole parisienne.
Dans une interview réalisée en 2014, Constantin Petcou expliquait d’ailleurs que l’association AAA ne cherchait pas à créer « une ville imaginaire, rêvée et idéalisée » – l’idée est au contraire d’ « utiliser les espaces vacants, plus petits, souvent temporaires ». Le projet se situe donc dans une logique incrémentale, modulable et temporaire.
Les pratiques et modes de gouvernance du Projet R-Urban

Le projet est porté dans un premier temps par l’association AAA, qui va avoir un rôle mobilisateur auprès de la population. L’idée est d’encourager l’investissement des usagers adhérents dans les différentes activités et actions du projet. La Charte Agrocité, à laquelle doivent adhérer les usagers, prévoit d’ailleurs l’implication des usagers, au-delà du simple usage de leur parcelle de jardin. L’objectif est d’aboutir à un mode de gestion, où R-Urban ne sera plus géré par AAA mais par les usagers eux-mêmes. Au cours de ce processus évolutif, les usagers gagnent en compétences, apprennent de l’association et prennent progressivement de plus en plus de responsabilités dans la gestion de projets. La gouvernance de R-Urban est donc amenée à se transformer progressivement en un mode d’autogestion.
Vers une dissémination de ce modèle ?
Ainsi, en proposant un espace dédié à l’agriculture urbaine et aux échanges de savoirs, le Projet R-Urban cherche à créer du lien social entre les individus. Le projet s’inscrit dans une temporalité spécifique où les espaces peuvent être déplacés et où les modes de gouvernances doivent évoluer vers une autogestion.
Par le biais de l’agriculture urbaine et du renforcement du tissu social à l’échelle du quartier, le Projet R-Urban témoigne d’une volonté croissante de renouer avec des pratiques traditionnelles au sein des villes. Par ailleurs, fort de son succès, le modèle R-Urban va être répliqué dans d’autres communes franciliennes (Bagneux, Gennevilliers). On peut alors s’interroger sur les futures évolutions, tant en termes quantitatifs que qualitatifs, de ce type de modèles et sur leurs places au sein des villes.
Sources :
ADEME, (2016) ; La participation citoyenne réussir la planification et l’aménagement durables, Ademe Editions
Foucault, Michel. « Des espaces autres. » Conférence au Cercle d’études architecturales, 14 mars 1967, Architecture, Mouvement, Continuité, N°5 (1984) pp. 46-49
Petcou, C. (interview par Mugnier-Viret, E.), (2014) ; Agrocité, le projet d’agriculture urbaine à colombes par R-Urban, GREP 2014/4 N° 224 pp. 379-385
Site internet de l’association AAA : http://www.urbantactics.org/homef.html
Site internet R-Urban : http://r-urban.net/accueil/