par Margaux Cazals

FABRE Ghislaine, LOCHARD Thierry. Montpellier, la ville médiévale. Collection Etudes du Patrimoine. L’inventaire, Imprimerie Nationale Editions, 1992.
Montpellier est une ville méridionale dont les origines remontent au XIème siècle. Son coeur historique, dit l’Ecusson, présente des caractéristiques urbaines qui témoignent d’organisations anciennes. Seule cette partie de la ville constitue notre terrain d’analyse en raison de la concentration d’éléments clés à l’intérieur de son périmètre – peu de traces subsistent au-delà. Morphologie et composantes urbaines permettent d’entrevoir non seulement sa conception mais aussi son essor urbain tout au long du Moyen-Age.

RICHARD Jean-Claude Michel. Le problème des origines de Montpellier. In: Revue archéologique de Narbonnaise, tome 2, 1969. p. 63
Le coeur de ville concentre les deux collines qui ont servi de lieux d’établissement aux premiers habitants, Montpellier et Montpelliéret. Leur développement respectif s’est déroulé en parallèle : la première passe rapidement de bourg ecclésial à une petite cité alors que la seconde abrite un bourg essentiellement agricole dirigée par une seigneurie épiscopale. Ce n’est qu’au XIIème siècle qu’une première enceinte les réunit, amorce d’une réflexion urbaine mis en place par le seigneur de Montpellier, Guilhem VI. La surface de la ville s’agrandit au début du siècle suivant par l’édification de la « Commune Clôture », qui a permis une véritable agrégation des différents noyaux de vie renforçant le statut urbain de l’ensemble. Ce qui est pertinent est que la forme actuelle et la dénomination de l’Ecusson résultent de son tracé. Une vue aérienne peut révéler l’image de la ville telle qu’elle existait au XIIIème siècle. Les faubourgs ont progressivement remplacé cette limite à partir de la Révolution. Seules deux tours lui ayant appartenu subsistent encore: la Tour de la Babote et la Tour des Pins.

FABRE Ghislaine, LOCHARD Thierry. Montpellier, la ville médiévale. Collection Etudes du Patrimoine. L’inventaire, Imprimerie Nationale Editions, 1992.
Ces buttes se situaient au bord d’axes stratégiques de communication. D’une part, le Cami Roumieu, chemin de pèlerinage jusqu’à Saint-Jacques de Compostelle qui était la route principale au XIème siècle entre l’Italie et l’Espagne. Il permettait également d’accéder aux Cévennes, refuge de ressources minières. Son tracé est encore identifiable, matérialisé par des plaques dorées au sol. Artère commerciale majeure de l’époque, sa fonction s’est pérennisée dans le temps : il forme une succession de rues commerçantes notoires qui traversent l’Ecusson. D’autre part, la proximité de Montpellier avec la mer Méditerranée lui a permis de développer une activité maritime importante grâce à l’exploitation d’un port proche, Lattes. Ce positionnement géographique est une première explication de l’essor rapide de la ville pendant le Moyen-Age et de son orientation essentielle vers le commerce.

FABRE Ghislaine, LOCHARD Thierry. Montpellier, la ville médiévale. Collection Etudes du Patrimoine. L’inventaire, Imprimerie Nationale Editions, 1992.
Le mode de gouvernance a participé à ce phénomène: à partir du XIIIème siècle, c’est un consulat qui se met en place, sous le règne de rois étrangers, d’Aragon puis de Majorque. Ce sont les élus communaux qui détiennent véritablement la gestion de la ville dont nombre d’entre eux sont des petits bourgeois animés d’un ambitieux esprit d’entreprise et aidés par une importante présence de grands négociants méditerranéens. L’indépendance des relations diplomatiques et des traités commerciaux a permis la multiplication d’échanges internationaux et, conséquemment, une place financière de choix.
Alliée à une conjoncture politique favorable à son développement, l’activité du commerce a façonné la ville, vecteur d’attractivité de populations et richesses. Anectodiquement, on peut en retrouver des indices grâce aux noms de la plupart des rues ou plans du centre-ville, reflets des pratiques passées. Le plus significatif sont les conséquences de l’essor fulgurant de Montpellier à cette époque. La densification de la ville a été aidée par une croissance démographique continue pendant le Moyen-Age -malgré les épisodes de peste noire et de guerre- et par une concentration de la population liée à des activités essentiellement urbaines. Montpellier constituait une ville de « premier ordre » en France au XIVème siècle, créditée par l’historiographie entre 35 000 et 40 000 habitants 1.
La ville s’est organisée librement bien que dictée par le relief présent: les rues formées, le long des courbes topographiques des collines, devenaient ainsi des cours d’eau naturels lors des violentes pluies cévenoles de la région, qui s’évacuaient jusqu’au Merdanson, en aval de la pente. Le réseau de voiries tel qu’il était au Moyen-Age est resté très présent: des rues étroites et sinueuses, exemple-type du modèle médiéval. L’Ecusson constitue encore aujourd’hui une masse dense de toits de tuiles, suivant la courbe des buttes et ponctuée par quelques édifices religieux. Le tissu urbain est contracté, replié sur lui-même, hérité du XIIIème et XIVème siècle. Son étude révèle une structure spatiale circulaire, au nord-ouest de l’Ecusson, qui met en évidence l’empreinte primitive du bourg du XIIème siècle 2. Certaines composantes ont été effacées sur sa partie nord mais laisse la trace d’un enclos ecclésial.

PEYRON Jacques. Montpellier médiéval : urbanisme et architecture. In: Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale, Tome 91, N°143, 1979. p. 259

FABRE Ghislaine, LOCHARD Thierry. Montpellier, la ville médiévale. Collection Etudes du Patrimoine. L’inventaire, Imprimerie Nationale Editions, 1992.
Au regard du bâti, les compoix, premiers cadastres de l’époque, ont permis de recenser les édifices médiévaux malgré une majorité détruite. De nombreuses fondations de ces bâtiments peuvent encore se lire dans les rez-de-chaussée, reconnaissables d’une part grâce à leur construction en voûte, dont la solidité permettait de bâtir au-dessus et, d’autre part, par leur matériau, la pierre, abondante dans les carrières voisines de la région. Au XVIIème siècle, les efforts de reconstruction se sont concentrés sur la production d’édifices administratifs publics du fait du caractère commerçant et universitaire de la ville, ce qui transparaît encore aujourd’hui.
Malgré l’évolution urbaine, la densité urbaine est restée similaire avec un rapport surface-bâti sensiblement identique. Les quelques « plans » de forme libre présents résultaient plus d’un dégagement de rue que d’un projet d’espace public. Cependant, la présence intra-muros de jardins potagers, au coeur de cette « ville champêtre » 3 du XIIIème siècle, créait des porosités à l’intérieur des demeures privées. L’importance et la création de places ne sont apparus qu’à la fin du XIVème siècle où le « vide » de la ville s’est inversé proportionnellement, devenant public en dépit du privé.
Le récit de l’Ecusson n’est pas exhaustif, d’autres composantes sont les preuves de cet héritage médiéval. Cependant, ces premiers éléments étayent la libre organisation de la création et du processus d’urbanisation de Montpellier, au gré des caractéristiques géographiques du lieu et des intérêts de sa population, du moins jusqu’au XVIIIème siècle. L’arrivée d’une souveraineté étatique marque un tournant dans la figure de la ville. Choisie pour devenir capitale des Etats du Languedoc sous Louis XIII, des aménagements seront édifiées, en dehors et aux abords directs de l’enceinte. La construction de la place du Peyrou et l’édification d’une citadelle dédiée à l’armée ont amorcé une approche plus symbolique et planifiée de la ville. Le XIXème siècle constituera la véritable coupure avec ses grandes percées rectilignes, créées à travers le monolithe urbain, donnant à l’Ecusson montpelliérain son plan actuel.
1. CAILLE Jacqueline. L’élan urbain en Languedoc du Xle au XlVe siècle. L’exemple de Narbonne et de Montpellier. In: Archéologie du Midi médiéval. Tome 13, 1995. pp. 79-90
2. Selon l’analyse de FABRE Ghislaine, LOCHARD Thierry. Montpellier, la ville médiévale. Page 54. Collection Etudes du Patrimoine. L’inventaire, Imprimerie Nationale Editions, 1992.
3. Terme employé, page 252, par FABRE Ghislaine, LOCHARD Thierry. Montpellier, la ville médiévale. Page 54. Collection Etudes du Patrimoine. L’inventaire, Imprimerie Nationale Editions, 1992.
Sources:
-FABRE Ghislaine, LOCHARD Thierry. Montpellier, la ville médiévale. Collection Etudes du Patrimoine. L’inventaire, Imprimerie Nationale Editions, 1992.
-PEYRON Jacques. Montpellier médiéval : urbanisme et architecture. In: Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale, Tome 91, N°143, 1979. pp. 255-272
-FABRE, Gislaine ; LOCHARD, Thierry. 4. Montpellier In : Village et ville au Moyen Âge : Les dynamiques morphologiques. Tours : Presses universitaires François-Rabelais, 2003
-RICHARD Jean-Claude Michel. Le problème des origines de Montpellier. In: Revue archéologique de Narbonnaise, tome 2, 1969. pp. 49-63
-CAILLE Jacqueline. L’élan urbain en Languedoc du Xle au XlVe siècle. L’exemple de Narbonne et de Montpellier. In: Archéologie du Midi médiéval. Tome 13, 1995. pp. 79-90
– Site officiel de la ville de Montpellier : https://www.montpellier.fr/4053-cartographie-ancienne-de-montpellier.htm