L’origine de l’urbanisme de dalle
Durant les années ’20, des architectes et urbanistes comme Le Corbusier voulaient trouver un moyen de simplifier les déplacements des utilisateurs en ville afin de faciliter la circulation. Après la seconde guerre mondiale les urbanistes se sont demandés comment protéger les piétons tout en améliorant la circulation des voitures. Le rapport « Traffic in Towns » de Sir Colin Douglas Buchanan propose alors la construction d’esplanades urbaines permettant de sectoriser les déplacements. L’idée principale étant d’adapter la ville au trafic en le contournant par le dessus. Ce fut la naissance de l’urbanisme de dalles.
Le projet de rénovation à Choisy-le-Roi
De nombreux projets d’urbanisme de dalle naquirent dans les années 50-60 et l’un des projets les plus connus fut celui de Choisy-le-Roi.
Choisy-le-Roi dans le Val de Marne, est une commune se trouvant entre les deux rives de la Seine. A la fin des années ’50, une grande opération de rénovation urbaine eut lieu.
L’un des objectifs était de lutter contre l’augmentation du trafic et d’améliorer l’accessibilité des zones industrielles nouvelles. Pour ce faire, il fallait réaménager le centre-ville afin de lutter contre les « répercussions désastreuses tant pour la vie des habitants que pour le commerce local » qu’aura la rénovation de la voirie. Pour que le projet réussisse, il fallait résoudre les problèmes de circulation tout en réalisant un programme complet de rénovation urbaine. Le programme a suivi les principes de la Charte d’Athènes, c’est-à-dire qu’il a modernisé le centre de la ville en faisant une « tabula rasa » du centre historique, ne conservant que les monuments importants.

La route nationale 186 fut enterrée et une dalle fut construite sur laquelle se trouvait un ensemble de logements, commerces, services administratifs etc. Le but de la dalle étant d’être « le cœur vivant de la cité, le lieu des échanges, du travail et des loisirs. »

L’échec de l’urbanisme de dalle à Choisy-le-Roi
Malgré le rêve initial, la dalle de Choisy-le-Roi fut un échec.
Les plans réalisés dans les années ’60 ne correspondaient pas à ce qui a été réellement construit. Seuls trois hectares sur vingt furent finalisés et tous les parkings et les tours de logement ne furent pas édifiés. La surface commerciale fut véritablement diminuée et la plupart des équipements ne furent pas réalisés. L’opération était un gouffre financier et en 1977 il fut mis fin à l’opération.
Les conséquences de cet inachèvement furent importantes. En effet, la mise en souterrain de la route nationale ne fut pas réalisée donc cela créa une coupure urbaine. Une « solution » imaginée pour résoudre ce problème fut la construction d’une passerelle entre la dalle nord regroupant les logements sociaux et la dalle sud sur laquelle étaient implantés des commerces. Toutefois, la continuité entre la dalle et le centre-ville était mal assurée car aucun commerce n’avait été construit sur la dalle nord, ils étaient tous regroupés dans le centre ancien non détruit et la circulation piétonne devint complexe en raison des multiples dénivelés.
Originellement la dalle fonctionnait correctement car il n’y avait que peu de concurrence avec les centres commerciaux voisins et la gare du RER servait de pôle attractif autour du quartier de la gare. La passerelle permettait de rejoindre la partie sud de la dalle et d’avoir accès à d’autres transports, d’autant plus que dans les années suivantes de nouvelles routes et transports furent construits.
Toutefois, de nombreuses difficultés apparurent comme les différents niveaux créés qui rendaient l’accessibilité à la dalle difficile notamment via des rampes ou escaliers ou encore le peu de chemins d’accès pour se rendre à des endroits précis. Beaucoup de personnes non habituées se perdaient. De plus, dans le centre-ville, il y avait une saturation de flux.
Petit à petit, la dalle et le centre commercial furent en déclin à la fois en raison de la précarisation de la population, du coût d’entretien de la dalle, du vieillissement prématuré des revêtements, du changement des modes de consommation, du départ de grandes enseignes et de la fermeture de commerces de proximité, de la « difficulté de communication entre le sol naturel de la ville et le sol artificiel de la dalle », l’insécurité, et le vieillissement des infrastructures.
L’avenir de la dalle à Choisy-le-Roi
Certains chercheurs et architectes pensent que seul le retour à des formes urbaines traditionnelles vont permettre de résoudre les problèmes d’adaptation des réseaux au terrain, d’autres comme Virginie Picon-Lefebvre architecte et urbaniste considèrent qu’il ne faut pas démolir les dalles mais repenser leur intégration entre les niveaux de la ville et proposer des services et équipements de proximité aux riverains. Il faut également lutter contre l’aspect bétonnier caractéristique de l’urbanisme de dalle.
Des rénovations de dalles dans les années 2010 ont eu un grand succès, cela démontre qu’il est possible de repenser de tels quartiers et de réutiliser les dalles. Toutefois, il faut prendre en compte l’avis des habitants car ils les ont investies, s’en sont emparées. Il faudra donc, pour que le projet soit un succès, prendre en considération l’avis des habitants de la dalle.

En 2004, la ville de Choisy-le-Roi décida de réhabiliter le quartier en créant un pôle multimodal entre la gare de RER et le bus afin que ce pôle devienne le centre du quartier tout en créant un lien entre la ville « sur sol » et « hors sol ». Ce chantier fut terminé en 2012. Toutefois, beaucoup de travail reste à faire d’autant plus qu’en 2018 plusieurs incendies se sont déclarés sous la dalle et dans les immeubles alentours.
La réhabilitation totale de la dalle ne semble donc pas être pour maintenant…
Thelma ABI-KHALIL
Références :
-Guénola Capron et Pedro José Garcia Sanchez, « L’urbanisme moderne de dalle, histoire d’un lent échouage urbain : le cas du centre-ville de Choisy-le-Roi », Flux 2002/4 (n°50) pages 20 à 33.
-https://demainlaville.com/quel-avenir-pour-les-dalles-urbaines/
-« Des quartiers sur dalle mieux intégrés à la ville », Le moniteur des travaux publics et du bâtiment, 11 décembre 2009, p52
Image de couverture : issue de l’article de G. Capron et J. Garcia Sanchez