A la fin du 19e siècle, un des concepts d’urbanisme qui commence à prendre une place importance est le concept de « cité jardin ».
L’idée nait de la volonté d’ Ebenezer Howard (1) (1898) de vouloir concevoir des lieux de vie autosuffisants en retrait des grandes villes. Cette idée va déboucher sur de nombreuses interprétations suivant différents endroits du globe, assez différentes du concept de départ comme par exemple Letchworth (2) en 1903.
En France la « cité-jardin » est utilisée pour réaménager des quartiers périphériques. L’idée Howardien est de réorganiser les quartiers sociaux et ouvriers de l’entre- deux guerres dans des paysages végétalisés. Apres cette période, les lotissements ordinaires ont pris le dessus .Cependant depuis une quinzaine d’années le concept de cité jardin reprend de l’intérêt dans les modèles d’urbanisation.
Un concept Historique tourné vers l’avenir ?
Créées durant l’entre-deux-guerres pour palier à un manque de logement, cette préoccupation reste aujourd’hui très actuelle dans les problèmes politiques du XXIe siècle . Voulues dans un contexte social, économique, démographique et institutionnel des années 1930 ,les cités jardins peuvent cependant nous aider à répondre actuellement à un grand nombre de questions posées sur la ville durable.
Les cités jardins du XXIe siècles sont-elles une des clés pour une nouvelle offre urbaine adaptée à la création d’une ville inclusive (3) aux portes des grandes métropoles mondiales ?
Une des forces de cette urbanisation du XXe siècle est la diversité du bâti et de sa morphologie créés par des ambitions architecturales voulant mêler équipements publics, aménagement des parties communes avec une végétalisation omniprésente. Cette urbanisation favorise l’attachement de ses habitant par son identité qui est le juste milieu entre les faubourgs et les lotissements pavillonnaires.
La création du concept Ville-nature
Aujourd’hui un des points clés est de composer la ville en harmonie avec la nature, volonté exprimée par un souhait politique de donner une part plus importante à l’environnement et au développement durable que lors du siècle dernier.
De ce point de vue ,le concept original de cité-jardin ne suffira pas à répondre à toutes les exigences incitées par le Grenelle de l’environnement. Toutefois leurs principes permettent de concevoir les notions de durabilité, de résilience et d’écosystème urbaine pour penser le changement climatique et donc les nouveaux modes de construction des villes.
C’est pourquoi il est encore judicieux de s’inspirer de nos jours des idées d’ Ebenezer Howard, de Raymond Unwin, de Georges Benoît-Levy et d’ Henri Sellier pour concevoir les programmes à venir.
Les cités jardins répondent à l’envie du bien vivre ensemble dans une ville ou un quartier végétalisé. Actuellement à la recherche d’une ville plus « durable » et sobre énergétiquement , cette volonté nous oblige à nous questionner sur le rôle de la nature en ville et dans les projets urbains.
Ainsi, les principes de valeurs que la cité-jardin nous ont appris et dont l’avenir de la conception urbaine va devoir améliorer et réinterpréter sont :
- Un objectif de qualité et de cohérence avec l’environnement
- Hiérarchisation des espaces publics avec une organisation fonctionnelle et inclusive
- Concept de Ville et nature
- Le vivre ensemble grâce à une mixité typologique et morphologique.
- La co-conception avec les futurs habitants
- Mixité sociale
- Régulation foncière pour plus inclusion, lutte contre la spéculation (préoccupation d’Howard)
Purifier la ville par le vivant
Le vert de la ville ne doit plus seulement être un élément de décoration mais une prérogative des projets urbains. La cité jardin était déjà basée sur la richesse du sol pour l’alimentation des habitants.
Aujourd’hui les axes structurants de la nature en ville pourraient être catégorisés de la façon suivante :
- Le changement climatique : ilots de chaleur, mode de constructions, trame verte …
- La biodiversité : ruche sur les toits, infiltrations d’eau …
- La Production : jardin partagé, potager d’entreprise …
- La convivialité : espaces partagés, chartes citoyennes …
Ces axes soulèvent des réflexions sur la place des bâtisseurs et des concepteurs, leurs capacités à imaginer et à proposer aux politiques des réponses adaptées sur les aspects programmatiques de la ville-campagne ,aspect majeur de la construction des métropoles.
Construire des « cités-jardins du XXIe siècle », des « écoquartiers métropolitains » ou des « nouveaux quartiers urbains » solidaires : autant de dénominations données à la construction de patrimoine neuf suite à une reconstruction de l’ancien à différente échelle de la ville.
Vers une utopie de la construction verte ?
Une des ambitions des promoteurs du monde entier est de ré-interpréter la cité-jardin par des formes urbaines plutôt futuristes voir même utopistes.
La présentation de deux projets : Gwanggyo Power Center avec MVRDV en Corée et Habiter le ciel au bord de l’eau en Île de Vitry-sur-Seine avec Atelier Castro Denissof , montre l’envie de création de nouveaux modèles de vivre ensemble avec la nature.
La municipalité de Gwanggyo a annoncé en 2008 que la conception de son centre-ville dense avait été gagné par MDRDV lors du concours promoteur pour la future nouvelle ville de Gwanggyo, située à 35 km au sud de la capitale coréenne, Séoul. Le plan consiste en une série de bâtiments en forme de collines surpeuplées avec une grande diversité programmatique et des qualifications durables, visant à une forte densité urbaine.
Les nœuds urbains se composent d’un mélange de vie publique, commerciale, culturelle, résidentielle, de bureaux et de loisirs générant de la vie dans les nouvelles aires métropolitaines et favorisant les développements futurs autour d’elles : la stratégie Power Centre.
Le site est entouré d’un magnifique lac et de collines boisées, et la conception répond a l’impact visuel par un tapis de verdure sur le nouveau programme pour en atténuer son effet.
Le complexe urbain est par exemple composé de toits voulant substituer des collines, de terrasses plantées de haies de buis qui créent un parc végétal vertical. La verdure améliorera le climat et la ventilation, ainsi qu’une réduction de la consommation d’énergie et de l’eau. En conséquence, la ville elle-même devient une sorte de paysage.
Concernant le programme Habiter le ciel au bord de l’eau en Île de Vitry-sur-Seine en collaboration avec l’Atelier Castro Denissof est un projet imaginé pour une des consultations du Grand Paris. Ce projet aux allures d’utopie urbaine est composé d’un village vertical imaginé autour de 5 jardins qui organisent la vie de l’ensemble. Proche de la logique de maison individuelle ,ce projet imagine des accès individuels aux jardins. Le bâtiment est conçu de manière durable pour accueillir des familles, des équipements, des maisons de quartier … L’ambition du promoteur Nexity est de réaliser le 1er village vertical.
Ces projets sont deux exemples d’idéaux urbains alliant ville et campagne et technicité. Toutefois peut-on assurer la durabilité et la constructibilité de tels projets urbains dans notre urbanisme existant. La force majeure des premières cités jardins sont d’avoir su vivre durant leurs temps et de s’améliorer les siècles suivants.
Ainsi ,les nouvelles idées des concepteurs et des promoteurs du XXIe siècles pour imaginer la ville nature n’est-elle pas une utopie ? La plupart de ces projets ne sont toujours pas sortis de terre, nous n’avons donc pas de recul sur la capacité de ces projets à vivre des siècles durant et sur la difficulté de leur mise en oeuvre réelle. De plus ,l’envie de remporter des concours fait bien trop souvent oublier la possibilité et/ou la difficulté des réalisations techniques et économiques des projets.
La question reste donc entière: Les cités jardins verticales sont-elles la clé du renouveau urbain du XXIe siècle ? Alors que le siècle reste encore à écrire.
- (1) Ebenezer Howard « To-morrow : A peaceful path to real reform », 1898
- (2) prototype des cités-jardins imaginées par Ebenezer Howard
- (3) Une ville inclusive vise l’exercice en toute égalité des droits humains par un accès sans restriction aux espaces urbains et aux services. Elle tient compte des besoins, des désirs et des contraintes des citoyens et leur donne une place centrale dans les processus de gouvernance. http://villeinclusive.com
Références :
- http://www.castro-denissof.com
- http://www.mvrdv.nl
- https://demainlaville.com/la-cite-jardin-une-recette-encore-dactualite/
- IAU « les Cahiers, les cités-jardins, un idéal à poursuivre », avril 2013


