Quelles interactions entre un projet d’écoquartier à Plaine Commune et les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024?

Au cœur d’un territoire en mutation, l’Ile-Saint-Denis accueille le projet de l’écoquartier fluvial porté par Plaine Commune depuis 2009. Ce projet est récemment entré en interaction avec celui des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Alors que des enjeux et jeux d’acteurs nouveaux ont émergé, comment un projet déjà élaboré s’est-il adapté et par quels biais ?

La petite commune de l’Ile-Saint-Denis est marquée par son passé industriel et sa géographie propre. Cette commune d’un peu plus de 7.500 habitants s’étend sur toute la longueur de l’île. Ce territoire a longtemps été un lieu de villégiature Parisien avec ses guinguettes prenant place le long des deux bras de la Seine. Ensuite, de par sa localisation fluviale stratégique, l’île a accueilli des activités logistiques et industrielles et a chassé ses activités de loisirs. Plus récemment, une désindustrialisation du territoire a pris place et a libéré un foncier permettant d’écrire une nouvelle page de l’histoire de l’Ile-Saint-Denis. Les entrepôts Printemps ont fermé en 1991 et ceux de Lafayette en 2007.

La libération de ce foncier va permettre d’accueillir le projet de la ZAC de l’écoquartier fluvial sur deux sites (au nord et au sud de l’A86). Depuis 2006, l’agence d’architecture et d’urbanisme Philippon Kalt travaille sur la conception de ce projet urbain. En 2009, la ZAC l’écoquartier fluvial est créée et a pour objectif de livrer la totalité du projet en 2024. La commune de l’Ile-Saint-Denis fait parti de l’EPT de Plaine Commune depuis 2013. C’est l’EPT qui est maitre d’ouvrage sur le projet de l’écoquartier fluvial et Plaine Commune développement l’aménageur en charge de cette ZAC.

Projet initial de l’écoquartier fluvial – Source: Philippon Kalt

Au-delà d’une programmation mixte (1000 logements, 50 000m² de locaux d’activités, 7.3 hectares d’espaces publics, 7 600 m² d’équipements) le projet de ZAC est ambitieux sur l’aspect environnemental. Le site promeut des matériaux bio sourcés, une efficacité énergétique, un respect de l’eau et un travail en plaine terre à 50%. Le site développe une mobilité douce avec un objectif zéro voiture et la construction de centrales des mobilités partagées. Ces infrastructures sont localisées à des points stratégiques du site afin que le riverain gare sa voiture et marche jusqu’à son logement. Ensuite, ce projet souhaite acquérir le label écoquartier, une charte engageante a déjà pu être signée par les élus et partenaires. En 2011, le projet a pu recevoir le Prix d’avenir du Palmarès National des écoquartiers. Ce prix intervient à la seconde étape du processus de labellisation lors du chantier de la phase 1. La région Ile-de-France a aussi soutenu ces intentions et le projet a été élu quartier prototype Nouveau Quartier Urbain (NQU) lors d’une consultation soutenue en 2009.

Un élément vient bousculer ce projet. En 2017, le Comité des Jeux Olympiques communique son choix d’implanter le village olympique sur le site Bords de Seine de Saint-Denis/Pleyel. Par sa proximité stratégique, l’éco quartier est inclu dans le projet. Il est alors convenu que Plaine Commune Développement reste l’aménageur de l’écoquartier et que la SOLIDEO devienne celui de la ZAC du Village Olympiques sur l’autre rive.

Etude d’impact de la ZAC Village Olympique et Paralympique – source : Soberco Environnement 2018

Ainsi, le projet de l’écoquartier fluvial existe déjà lorsque les Jeux Olympiques s’intéressent au site. La phase 1 est très avancée et il est décidé de la mener à terme en la laissant inchangée. Cette première phase est en cours de livraison (livraison 2019) et accueillera 300 logements. La deuxième phase est elle gelée afin d’intégrer la programmation des Jeux Olympiques et Paralympiques.

Très rapidement, il est décidé que l’enjeu principal est de maintenir la programmation existante de l’écoquartier malgré ces nouveaux enjeux. Afin d’accueillir les 2500 lits requis pour héberger les athlètes, une réversibilité des espaces est travaillée. Ces chambres, comme sur le Village Olympique, seront transformées en logements ou bureaux après les Jeux. Le programme va ainsi s’adapter aux Jeux sur la durée de l’évènement, mais retrouvera son entièreté après cette compétition. Une dualité est ainsi travaillée entre l’événement des Jeux et l’héritage laissé, représenté ici par l’écoquartier. Finalement, six hectares de l’écoquartier fluvial seront utilisés afin qu’une partie du village des athlètes soit insérée sur ce site.

Etude d’impact de la ZAC Village Olympique et Paralympique – source : Soberco Environnement 2018

L’interférence de ces deux projets a permis d’ajouter de nouveaux paramètres qui ont amélioré la proposition initiale du quartier. Trois éléments se sont ainsi ajoutés au projet. En premier lieu, des murs anti bruits (écrans acoustiques) vont être construits le long de la A86 et sont financés par la Direction des Routes d’Ile-de-France (DIRIF). Ces murs anti-bruits vont permettre de protéger le quartier mais aussi les secteurs d’Universeine et de la ZAC du Village Olympique et Paralympique. Ensuite, quatre lignes aériennes à très haute tension présentes aujourd’hui sur le site vont être enfouies, ces travaux sont financés par Réseau de Transport d’Electricité (RTE). Enfin, une passerelle reliant l’écoquartier à la ZAC du Village Olympique a été retravaillée, cette passerelle accueillera uniquement des transports en commun et doux. Le conseil départemental est le maître d’ouvrage de ce pont de 130m de long.

Passerelle modes doux traversant la Seine – source : Artelia, Lavigne Cheron, Philippon Kalt

Au delà de cette coopération des acteurs, des contraintes se sont ajoutées au projet de l’écoquartier. En premier lieu, le planning et le phasage du projet doivent être cohérents avec ceux du Village Olympique et plus généralement avec l’évènement. Cet évènement impose une livraison en mars 2024 du secteur Village Olympique de l’écoquartier, afin d’accueillir les athlètes à l’été 2024. Ensuite, le bilan de ZAC a connu des difficultés, le quartier ayant des objectifs environnementaux très exigeants et une programmation contraignante, l’équilibre du bilan a une flexibilité réduite.

Liaison entre la ZAC du Village Olympique et l’écoquartier Fluvial – source : Dominique Perault Architecture

Du côté de la Solidéo, il est communiqué que l’opération des Jeux Olympiques et Paralympiques a tiré vers le haut le projet de l’écoquartier fluvial1. Côté plaine commune, il est davantage considéré que l’écoquartier accueille les athlètes, et non que les Jeux guident le projet: «aujourd’hui, nous portons le discours suivant : on construit l’héritage (l’écoquartier) et c’est cet héritage qui accueille les Jeux. Cela ne s’est jamais vu dans l’histoire.»2.

Malgré les contraintes et les interprétations divergentes, les deux projets semblent avoir trouvé aujourd’hui un équilibre: l’écoquartier fluvial intègre le projet des jeux et se bonifie par sa présence. Cette cohésion des acteurs aux intérêts communs est efficace et caractéristique de l’envie et l’espoir de développement territorial de Plaine Commune qui réside dans le projet des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

Mathilde Saint-Jalmes

Sources:

1Propos recueilli auprès d’un ancien acteur de la SOLIDEO

2Propos de Philippe Monges, maire adjoint chargé de l’urbanisme, vice-président de Plaine commune délégué à l’écologie urbaine, dans l’article: Du village olympique à l’écoquartier, un programme urbain à double détente, Agnès Fernandez, La gazette des communes, Aout 2019

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