La Société de livraison des ouvrages olympiques, la Solideo a présenté les lauréats des premiers lots du futur village olympique des jeux de Paris 2024, à cheval sur Saint-Denis, Saint-Ouen et l’Ile-Saint-Denis. L’occasion de nous interroger sur l’évolution du projet entre la phase candidature et la phase conception. Dessiné par l’agence Dominique Perrault, le projet urbain de Village Olympique et Paralympique est «une opportunité de constituer un territoire vitrine en la matière et exemplaire en matière de durabilité» selon le concepteur. Qu’entend-il par «durabilité»? Quelles mesures durables sont intégrées au projet? Quelle exigence environnementale? Quelle mesures permettant la reconversion des installations et des logements après les Jeux? Les promesses présentées dans la candidature seront-elles tenues? Quelle «résilience urbaine» après le choc Jeux olympiques? Nous nous aiderons d’un entretien effectué avec Marie LEPOTTIER, ingénieur-urbaniste spécialisée dans le développement durable et ayant travaillé sur la conception du village olympique lors de la phase de candidature. Marie LEPOTTIER nous présentera les pistes étudiées pour répondre au cahier des charges de Paris 2024. Retour aux origines du projet.
Marie LEPOTTIER travaille chez Ingerop, l’un des quatre plus gros bureaux d’étude français, entant qu’ingénieur chargé d’affaire en construction durable. Lorsqu’un projet d’Ingerop intègre dans son programme une dimension environnement, on fait appelle à Marie: «je suis l’interlocuteur privilégié d’Ingerop pour ce type de projet qui allie urbanisme et construction durable». Le bureau d’étude a remporté l’appel d’offre avec les l’agence d’architecture de Dominique Perrault pour la conception du Village Olympique et Paralympique de Paris 2024. Marie a donc été un acteur central dans la conception d’un projet de candidature «durable et résilient» pour reprendre ses propos.
«Pour gagner les JO, il fallait être les plus verts possibles»

Les enjeux de ce quartier sont d’en faire un démonstrateur des innovations et de l’expertise française en matière de développement durable, mis en lumière grâce aux Jeux olympiques. En effet, le futur Village olympique porte les hautes exigences environnementales, défendues par l’équipe Paris 2024. Il envisageait pour le village pendant la phase candidature «100% de bâtiments passifs ou à énergie positive, 100% de matériaux bio sourcés et 100% d’énergies renouvelables» selon Marie LEPOTTIER. Les objectifs ont été fixés préalablement par Paris 2024 dans l’appel d’offre pour la conception du Village. L’équipe sélectionnée était chargée de trouver des solutions pour atteindre ces objectifs. Certes, ces chiffres servaient la candidature et il est peu probable que les concepteurs atteignent ces objectif ambitieux aujourd’hui. On parle désormais de «neutralité carbone» à l’horizon 2050 ce qui est certes loin des objectifs initiaux de la candidature. Néanmoins, Marie et son équipe ont œuvré pour concevoir un projet respectueux de l’environnement, par le développement «d’écosystèmes» afin de renforcer la «biodiversité» au sein du projet urbain, par la mise en œuvre d’une stratégie énergétique ambitieuse tant du point de vue de la baisse des consommations que de la production locale nous dit-elle.
«Des mesures de durabilité dans le quartier? il y en a tout un paquet!»
Marie LEPOTTIER m’a en effet présenté dans l’entretient tout un panel de mesures «durables» pensées pour la phase candidature afin de répondre aux objectifs fixés par Paris 2024 :
- 40% de constructions bois au minimum et une utilisation importante de matériaux bio-sourcés.
- Un plan d’aménagement urbain fait la part belle aux espaces publics et aux espaces verts: «10 hectares de jardins et d’espaces végétalisés seront créés sur le site».
- La majeure partie des toits des immeubles est réinvestis par la végétation ou pour différents types d’agriculture urbaine. De plus, certains mûrs de bâtiments seront végétalisés avec du houblons afin de produire la bière des Jeux olympiques par exemple.
- Les eaux pluviales et leur récupération est géré à l’échelle du quartier à travers une série de bassins et de différents systèmes paysagers favorisant la biodiversité imaginés par Gustafson Porter, le paysagiste qui travaille avec Dominique Perrault sur le projet. Ainsi, le projet vise «100% des besoins en eau» pour l’arrosage et le nettoyage des espaces publics, couverts par la récupération des eaux de pluie.
- La mobilité a également été pensée à l’échelle du quartier afin d’être le plus vertueux possible. Des navettes électriques autonomes se déplaceront dans le Village pour transporter les athlètes et les emmener aux différents endroits du site. Des vélos en accès libre seront également mis à disposition et des navettes fluviales transporteront les athlètes vers leurs sites de compétition ou d’entraînement.
- En ce qui concerne la gestion des déchets du quartier, Ingerop a par exemple eu l’idée de faire une collecte pneumatique des déchets comme aux Batignoles. Cela permet de limiter les déplacements des camions poubelles dans le quartier. Les déchets sont ensuite valorisés pour produire de l’énergie. etc. En effet, Marie LEPOTTIER souligne qu’il a fallu «trouver des dispositifs innovants pour atteindre les 100% d’énergie renouvelable pour la candidature, en s’appuyant éventuellement sur des installations existantes». Par exemple, il y a à Saint-Ouen un incinérateur de déchets. Dans la candidature, le projet envisageait de récupérer la chaleur produite par cette centrale afin de chauffer les logements. Cependant, toutes ces mesures ne vont pas forcément se réaliser. En effet, il y a deux temps dans le projet selon Marie : celui de la «candidature» et celui de «la réalité». Le cahier des charges du CIO est très ambitieux en ce qui concerne le développement durable et l’empreinte écologique des Jeux. Paris 2024 a donc imaginé un quartier le plus exemplaire possible avec toutes une séries de mesures pour atteindre les ambitions, à l’aide d’un marketing actif, et remporter l’organisation des Jeux.
«Le projet est en train d’être repensé pour être un projet réaliste et que
l’on puisse vraiment faire».
A terme, le quartier ne sera pas donc aussi vertueux qu’il le prétendait dans la phase candidature mais il essayera de tendre le plus possible vers cet idéal de «durabilité» annoncé pour Paris 2024. Pour l’heure, les entreprises travaillent de façon à minimiser au mieux la facture énergétique des constructions en s’appuyant le plus possible sur les énergies renouvelables et éventuellement sur des installations existantes pour créer des réseaux de chaleur urbain par exemple.
Un quartier «réversible» et «flexible»

L’autre grand enjeu du Village Olympique est la reconversion des bâtiments après les Jeux. En effet, Les logements du quartier sont pensés dès leur conception pour une transformation possible après les Jeux Olympiques. La forme privilégiée est celle d’immeubles en plots, morphologies capables d’accueillir une grande diversité de programmes (logements, bureaux, hôtel, résidence étudiante, commerces, etc.). Ils composent des ensemble-îlots ouverts à la fois sur l’espace public et sur des cœurs d’îlots paysagers. Il est prévu que parmi les 3500 habitations conçues pour les Jeux, 2 200 seront transformés en appartements familiaux (social ou haut de gamme) et 890 en logements étudiants. Le reste des bâtiment accueilleront d’autres programmes : hôtels, 100 000m² de bureaux et activités tertiaires.
«Il y a en effet un doublement de tous les plans des logements»
ll y a «une double conception du Village olympique»: Des plans pendants les Jeux, et des plans après les Jeux. Toute la programmation des bâtiments a été conçue aujourd’hui pour l’ «après JO». L’idée était de permettre ces reconversions tout en faisant le moins de retouches possibles des logements par souci d’économie financière et de matériaux. La forme et l’organisation des logements est donc conçues de telle sorte de limiter au maximum la destruction de cloisons. «Le plus simple a été la transformation des logements pour les athlètes en logements étudiants car on reste sur des surfaces plus ou moins identiques avec les logements proposés aux athlètes».
En revanche, le plus difficile a été la transformation des logements en bureaux selon Marie LEPOTTIER. Les normes ne sont pas les mêmes entre des immeubles de logements et de bureaux en termes de sécurité incendie et de sûreté. Il a donc fallu trouver des solutions les moins coûteuses possibles pour permettre cette reconversion. Le projet anticipe et programme donc le devenir de ces logements par des mesures de «flexibilité». La flexibilité est la capacité d’un système à s’adapter à la contraintes et l’urgence. Par conséquent, si un système est flexible, il est résilient car il adapte sa structure au changement. Il peut donc plus rapidement revenir à un état stable. Les bâtiments sont conçus pour pouvoir évoluer dans leur fonction au cours du temps. Le concept du Village olympique et paralympique est donc résilient puisqu’il à la capacité de se transformer, en fonction d’un environnement, d’un contexte urbain en évolution constante. Le legs du Village devient plus «absorbable et durable» avec une empreinte «diluée» dans le tissu urbain existant pour reprendre les termes de Dominique PERRAULT.
Par ailleurs, l’ensemble des piscines et terrasses flottant sur la Seine, les Barges, les micro-architectures dispersées sur l’ensemble du site seront «réversibles». C’est à dire qu’ils sont démontables et déplaçables ailleurs. Ces installations sont temporaires car présentes le long des berges et dans le Village seulement pendant la durée de Jeux. En revanche, elles pourront être dispersées sur le territoire métropolitain en fonction des besoins de la ville de Paris, par exemple l’installation l’été des piscines flottantes pendant l’événement Paris-Plage. Cette dispersion sur l’ensemble du territoire rend ainsi plus «absorbable» le legs matériel des Jeux Olympiques. La réversibilité est là aussi au service de la résilience urbaine des Jeux olympique suite à l’impact qu’il occasionne dans le tissu urbain existant.
Conclusion
En résumé, il y avait donc une volonté dans la candidature de Paris de faire du Village Olympique un laboratoire d’innovation dans sa gestion et son fonctionnement, et «une vitrine à l’échelle du Grand Paris d’un quartier durable et respectueux de l’environnement» selon Dominique Perrault, en s’inspirant de ce qui se fait de mieux dans ces domaines dans les autres pays. Néanmoins, le projet est encore à l’état de projet et les différents lots sont en cours d’attribution, les travaux doivent débuter qu’à partir de 2021. En espérant que les ambitions présentées dans la candidature ne servaient pas seulement à séduire le CIO pour l’obtention des Jeux mais qu’au contraire, elles démontrent la volonté forte de la métropole en matière de développement «soutenable et écologique». A suivre.