Saint Denis Pleyel – Et si le futur des ponts urbains venait du passé ?

Vue vol d’oiseau du FUP – Marc Mimram

Les ponts sont des objets de fascination en soit. Ils sont en mesure de constituer une synthèse entre un savoir-faire technique et des critères esthétiques. Au-delà de la conception d’un ouvrage d’art, ils dessinent le paysage. Comme le note Georg Simmel dans un article de 1909, « Ponts et Portes », « le pont regroupe ce qui est séparé, relie ce qui s’oppose et créer la liaison entre deux rives, deux réalités, et ce faisant il transforme la distance et l’espace« .

Les récits de Viollet-Le-Duc au sujet du pont Notre-Dame –dernier pont habités de la capitale française- rappellent que « les ponts de Paris étaient bordés de maisons qui formaient de véritables rues. (…) L’alignement était bien respecté intérieurement des deux côtés de la rue, mais les habitations étaient établies en encorbellement sur la rivière, et l’on n’hésitait pas à creuser des caves et des réduits dans la maçonnerie des piles, au point que les ponts avaient tendance à se déverser latéralement au-dessus du fleuve »[1]. Au Moyen Âge, il était quasiment systématique d’installer des logements et des boutiques à cheval sur un cours d’eau, en plein centre-ville. Le Pont Neuf, construit sous Henri IV, fut le premier pont de Paris à échapper à la règles en étant dépourvu d’habitations. Les ponts habités, victimes des nouveaux besoins en matière de circulation, de leurs fragilités et de la volonté d’aérer le paysage urbain, ont presque tous disparu et peu dans le monde sont parvenus jusqu’à nous.

Plan initial du projet lauréat – Marc Mimram
Les immeubles sur le flanc nord ne figuraient pas dans la proposition initiale

Le futur ouvrage de franchissement des voies ferrées de Saint Denis Pleyel (FUP), conçu par Marc Mimram et Thomas Richez, consistait, lorsqu’il a été déclaré lauréat, en une structure en acier, de 273 mètres de long, pour 62 mètres de large, constituée d’un pont routier intégrant voitures, transports en commun, vélos et piétons. Accolée à ce pont, une passerelle piétonne au plancher en bois offre un débouché direct reliant les gares Saint-Denis Pleyel et Saint-Denis Stade de France de part et d’autre des voies ferrées. Cependant cette passerelle se veut être plus que le généreux espace de traversée et de balade souhaitée par Plaine Commune. Cette adjonction a pour ambition, d’être aussi une nouvelle centralité, équipée de deux longues verrières, vouées à abriter un café et une serre plantée. Mais est-ce que le FUP, avec une fonction de franchissement certes cruciale peut se valoir de constituer un véritable lieu de vie sur un belvédère de 300 mètres de long au moyen d’un café et d’une serre ? Probablement pas.

Ce qui pourrait y faire germer une vie urbaine mais que ne préfigurait pas le concours, ce sont les bâtiments pour abriter bureaux ou autres activités, ainsi que des commerces en rez-de-chaussée, apparus a postériori sur le flanc nord du FUP. Prévus pour participer à la rentabilité de l’opération, ces bâtiments latéraux participent à l’évocation de la figure symbolique du pont habité. Par la simple présence d’un front habitées sur son tablier, le FUP offrirait bien d’autres avantages, d’autres fonctions que le simple franchissement. Il participerait à une cohérence urbaine, en poursuivant une continuité linaire là où l’on trouvait une interruption dans le tissu urbain, il n’assure plus seulement une continuité physique de spatiale. Le FUP, habité, peut dès lors prétendre agir comme une centralité fédératrice car désormais « polyvalent et porteur d’une diversité multifonctionnelle »[2].


[2] Les ponts habités, Entretien avec Jean Dethier, in Urbanisme n°292, janvier/février 1997

[1] Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle – Tome 2, par Eugène Viollet-le-Duc, 1856

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