Née après les grandes réformes du préfet Poubelle qui chassa les chiffonniers parisiens en dehors des murs de la ville, a le marché aux puces s’établit officiellement en 1885 sur ce qui n’était encore que la zone militaire de Paris. Tout au long du XXème siècle, le marché grandit jusqu’à devenir le plus grand marché d’antiquités au monde à la réputation internationale.
Mais alors que le marché s’étendit progressivement au sud de la ville, sa gestion autarcique rentra en opposition frontale avec la mairie communiste de Saint-Ouen.

En effet, durant plusieurs décennies la mairie de Saint-Ouen voyait dans les puces, le développement anarchiste du capitalisme marchand, privant la ville d’une source foncière pour répondre aux besoins de sa politique de l’habitat.
Avec la désindustrialisation accélérée des années 1990, et la perte de plusieurs milliers d’habitants, la mairie de Saint-Ouen dû s’engager dans la mutation économique de son territoire afin de compenser les pertes importantes de taxe professionnelle.
Rapidement, elle reconsidéra l’intérêt que pouvait représenter ces 6 à 10 millions de visiteurs annuels sur son territoire. La ville va progressivement participer à la mise en valeur du marché avec pour objectif d’attirer une partie de cette nouvelle manne vers son centre-ville.

En 1999, la victoire de la gauche plurielle, rassemblant Communistes, Socialistes et Verts va rebattre les cartes, en engageant un rapprochement entre la ville et les représentants des puces sur la mise en valeur et le développement de celles-ci. Ce rapprochement inédit, va alors ouvrir la voie à une politique publique de développement et d’intégration des puces via la politique touristique de la ville. En 2013, le ralliement de Saint-Ouen à Plaine Commune va accélérer la mise en valeur et la promotion de ces richesses patrimoniales et culturelles à travers une politique de développement touristique ambitieuse.
La manne touristique que représente un site aussi particulier que les puces de Saint Ouen apparait alors de plus en plus comme le levier de développement économique majeure du territoire.
Pour autant en favorisant l’intégration des puces dans les circuits touristiques de l’intercommunalité a muté progressivement cet espace insolite vers une destination touristique incontournable pour Plaine commune. Galeries d’art, circuits découverts à vélo ou en courant, guides et cartes touristiques, boutiques en ligne etc. sont autant de nouveaux moyens qui attirent de nouvelles pratiques de l’espace urbain des puces.
Néanmoins, ce phénomène qui s’est accentué ces dernières années structure petit à petit un nouveau visage d’un espace public en recomposition.

L’arrivée récente de nouveaux projets de réaménagement d’anciennes friches, le développement de logements pour classe moyenne ou d’hôtellerie pour clientèle internationale en plein milieu des sept marchés, interroge sur le sens du développement urbain et de l’usage voulu par les collectivités.
Ironie du sort, alors que le développement touristique des puces de saint Ouen devaient à l’origine permettre à ce quartier de surmonter la crise du marché des antiquaires, et faire perdurer la particularité de ce dernier, il aura fait basculer les puces dans une nouvelle logique économique. Dans cette perspective, le développement urbain et l’évolution des offres et usage intègrent un peu plus ce territoire urbain à l’origine informel dans la fabrique contemporaine de la ville.
François Taroni
SOURCES:
- En Seine-Saint-Denis, l’autre visage du tourisme – Aujourd’hui en France – 20-07-2019
- Le grand lifting des puces de st Ouen est annoncé – Le Parisien – 26-06-2008
- Un patron s’offre les deux plus chics marchés des puces – Le Parisien – 23-04-2014
- Les puces de Saint-Ouen se rêvent en haut lieu du tourisme urbain – Les échos – 14-03-2017
- Un nouveau visage pour Saint-Ouen – Les échos – 03-10-2018