Le Clos Saint-Lazare, 13 ans d’Anru, succès et difficultés

Le Clos Saint-Lazare est un quartier de 26 hectares, dans la ville de Stains en Seine-Saint-Denis. Construit entre 1966 et 1970 sur d’anciens terrains maraîchers, il est composé de grandes tours et barres de logements sociaux. Ce quartier est entouré par une route départementale et jouxte la fameuse cité jardin construite en 1921.

Le Clos Saint-Lazare est le quartier le plus important de Stains, étant le plus grands et le plus dense, il accueille 7000 habitants, environ un quart de la population de la ville.

En 2003, Stains rejoint la communauté d’agglomération « Plaine Commune » dans le but de travailler autour d’un projet commun et solidaire en Seine-Saint Denis, au service de la population et du territoire, en passant par l’aménagement urbain et le développement économique.

L’Anru (l’agence nationale pour la rénovation urbaine) est créé la même année par Jean-Louis Barloo, afin d’accompagner la mise en œuvre et le financièrement de grands projets urbains pour transformer en profondeur les quartiers les plus en difficulté.

En 2006, le Clos Saint-Lazare souffre de l’enclavement spatial, (malgré qu’il se situe à seulement 15 minutes à pied de l’arrêt de la ligne 13), de la dégradation du bâti et du manque de mixité sociale liée aux problèmes sociaux économiques que l’on attribue souvent aux Grands Ensemble.

Connu pour être un secteur d’insécurité, le centre commercial du quartier est occupé par les dealers, seuls les gens les plus défavorisés n’ayant pas d’autres choix, habitent au Clos.

Stains postule alors pour le premier programme de l’Anru et apparaît comme le candidat idéal pour favoriser la mixité sociale et remailler complètement le quartier fermé sur lui-même. Plaine Commune est alors porteuse du projet et monte un dossier visant à fournir les nouvelles bases d’une dynamique de développement du quartier.

Le projet vise alors à désenclaver le quartier en traçant de nouvelles rues traversantes pour ouvrir le Clos sur le reste de la ville. L’Anru a permis à Stains d’espérer un renouveau pour son quartier difficile grâce aux subventions apportées. La convention signée entre les deux parties, locale et nationale, forge les bases d’un projet commun, où chacun a intérêt à ce que la mise en œuvre aboutisse.

Le premier contrat signé en 2006 avec l’Anru a ainsi généré un investissement de 200 millions d’euros. Il représentait principalement une opération de démolition/reconstruction de 400 logements, visant à diversifier l’offre de logements et de services.

Les tours disparaissent et laissent place à une place centrale, la place Nelson Mandela, et à deux espaces verts. L’objectif sous-jacent de ce renouvellement urbain pour Stains est d’attirer une nouvelle population qualifiée, accompagnant une gentrification liée à plus de commerces et de sécurité dans le quartier.

A l’issu de cette première opération, deux tiers du Clos ont été profondément rénovés mais rien n’est fait au niveau économique ou social, seulement la structure principale du quartier est changée. Intervient alors un nouveau projet porté par l’Anru2, pour poursuivre la mutation du quartier, en 2015.  

Axé sur le développement économique et l’innovation sociale, ce projet confirme la volonté publique de continuer la mise en œuvre des réalisations déjà entamées. Ainsi, l’objectif est de poursuivre les aménagements de voirie et de réhabilitation de l’Anru1, mais surtout de développer un pôle économique avec des commerces pour créer de l’activité et des emplois.

Au-delà de certains contre-temps, les acteurs restent soudés et la rénovation urbaine bat son plein. Les projets du Clos Saint-Lazare sont même soutenus publiquement par le gouvernement, la secrétaire d’État chargée du Commerce vient poser la première pierre du centre commercial et un représentant de l’ONU vient aussi visiter le quartier. La mise en œuvre est dans un premier temps un exemple d’entente et de réussite.

L’Anru2 programme aussi la construction de bâti neuf, des équipements scolaires et culturels, pour créer une vraie vie de quartier et ouvrir encore d’avantage le Clos à la ville. Cette opération s’accompagne en matière de transport de nouvelles lignes de bus reliant le Clos à l’arrêt de métro de la ligne 13 à Saint-Denis Université.

Après 13 ans de rénovation urbaine, le Clos Saint Lazare possède aujourd’hui environ 2 200 logements, de typologies et accession diversifiés, deux centres scolaires, un centre culturel et un nouveau centre commercial.

En 2018 cependant, en raison de la loi finance 2018 et de la baisse des aides aux logement, l’Anru semble mourir à petit feu. En effet, « le bailleur social du département Seine-Saint-Denis Habitat ne décolère pas. La décision du gouvernement de récupérer 1,7 Md€ sur les aides au logement et de baisser dès le 1er janvier le montant des APL est « une ineptie », tacle son directeur général adjoint, Patrice Roques. Et pour cause : pour ne pas pénaliser ses 14 000 locataires, l’office sera obligé de répercuter cette baisse de 50 € à 70 € (le montant n’est pas encore arrêté) sur les loyers. Soit un manque à gagner de 8 à 10 millions par an… »(1)

Au Clos-Saint Lazare cela se traduit par l’annulation de la réhabilitation de 3 barre de logements sociaux appelées «La Prêtresse», Seine-Saint-Denis Habitat ne pouvant plus opérer à cause de la baisse des aides aux logements. La ville de Stains et ses habitants sont extrêmement déçus que cet objectif fixé initialement ne soit pas atteint, ils se sentent abandonné par l’Anru.

Pour le maire de Stains, cette rénovation est essentielle et doit être effectuée au plus vite. Pour l’Anru, le Clos Saint Lazare a déjà bénéficié de beaucoup d’aides et les restrictions budgétaire du gouvernement les obligent à faire des choix, ils sont sur des temporalités différentes. Ainsi, l’Anru et Stains n’ont ici plus les mêmes priorités, ils ne partagent plus le même point de vue ce qui empêche la mise en œuvre d’être efficace.

L’analyse du Clos permet ainsi d’appréhender les mécanismes et dynamiques qui permettent à une politique de s’appliquer ou pas. Les problèmes mis en avant sont le résultat des dysfonctionnements de coordinations et de contrôle organisationnel. On peut se demander en quoi ces incompréhensions et ses ruptures de contrat vont impacter l’action publique en retour, dans le futur.

(1) Le Parisien, Un bailleur HLM de Seine-Saint-Denis en colère contre la baisse des APL, Delphine Denuit, 14 octobre 2017, http://www.leparisien.fr/economie/un-bailleur-hlm-de-seine-saint-denis-en-colere-contre-la-baisse-des-apl-14-10-2017-7330326.php

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